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17-19 mai 2017 Paris (France)
Englué dans l'image : une phénoménologie de la racialisation au travers des œuvres d'art
Alia Al-Saji  1  
1 : Université McGill

Englué dans l'image:une phénoménologie de la racialisation au travers des œuvres d'art

 

Alia Al-Saji

Département de philosophie

Université McGill

alia.al-saji@mcgill.ca

 

Résumé

Dans cet essai, j'élabore une analyse phénoménologique des confrontations racialisées avec des oeuvres d'art ou des films, lors desquelles le spectateur racisé se sent projeté comme perpétuellement passé, comme appartenant déjà au passé et arrivant « trop tard » pour intervenir sur la signification de sa propre représentation. Cela renvoie au rôle spécifique que joue le passé stéréotypé en médiant et construisant nos images de nous-mêmes. Cette analyse s'inspire de la visite de trois expositions dont le thème était les musulmans et/ou les Arabes, et qui tentaient ostensiblement de subvertir la racialisation, tout en reproduisant certains de ses tropes. Je prendrai comme exemples la récente exposition Benjamin Constant au Musée des Beaux Arts de Montréal (2015) ; l'exposition permanente Welten der Muslime au Musée ethnologique de Berlin ; et une installation sculpturale à la Galerie d'Art de la ville de Leeds (2010), réalisée pour répondre au tableau de la puissance impériale, General Gordon's Last Stand (1893), qui est abrité dans ce musée.

 

Je questionne le rôle que jouent les œuvres d'art dans l'expérience de la racialisation. Je soutiens, en m'appuyant sur Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon, que cela n'est pas seulement une confirmation de l'existence de stéréotypes raciaux, mais une amplification de leur vie affective et une intensification de leurs effets corporels. Ils saturent mes horizons temporels de sujet racisé, l'atmosphère que je respire ; ils structurent mon champ de possibles, les schèmes pratiques et perceptuels que je peux vivre. Selon cette approche phénoménologique critique – à la fois féministe et critique de la race – je demande si, et comment, il serait possible d'interrompre cette amplification de stéréotypes raciaux à travers le travail esthétique lui-même, ouvrant la voie non seulement à la critique sociale mais aussi à une reconfiguration des liens affectifs aux images des groupes racialisés.

 

  Glued to the Image: A phenomenology of racialization through works of art

 

ABSTRACT

 

I develop a phenomenological account of racialized encounters with works of art and film, wherein the racialized viewer feels cast as perpetually past, coming “too late” to intervene in the meaning of her own representation. This points to the distinctive role that the stereotyped past plays in mediating and constructing our self-images. In order todevelop this critical phenomenology, I analyze my experience of three exhibitions that take Muslims and/or Arabs, in particular Muslim women, as their subject matter and that ostensibly try to subvert racialization, while reproducing some of its tropes. My examples are the recent Benjamin Constant exhibition at the Montreal Museum of Fine Arts (2015); the permanent exposition Welten der Muslime at the Ethnologisches Museum in Berlin; and a sculptural installation at the Leeds City Art Gallery (2010), created in response to the imperial power painting, General Gordon's Last Stand, that is housed there. 

 

My interest is in how artworks may contribute to the experience of being racialized. I argue—drawing on Black Skin, White Masks of Frantz Fanon—that this is not only a conscious confirmation of the existence of racial stereotypes, but an amplification in their affective life and an intensification of their embodied effects. They saturate my temporal horizons as a racialized subject, the atmosphere that I breathe, the structures of practical and perceptual possibility that I can live. Finally, from this critical-race and feminist phenomenological perspective, I ask whether, and how, it may be possible to interrupt this amplification of racial stereotypes by means of aesthetic work itself—opening the way not only to social critique but to different affective relationships to the images of racialized groups. 

 

 


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