Site web du colloque du CRESPPA "Pensée critique du genre : travail, corps, nation" qui se déroulera du 17 au 19 mai 2017 au CNRS, 59-61 rue Pouchet à Paris.
17-19 mai 2017 Paris (France)
Neutralisation du féminin et du masculin chez les manadières et les gardianes dans la tauromachie camarguaise
Sophie Vignon  1  
1 : Cresppa  (GTM)
Université Paris VIII Vincennes-Saint Denis

Cette présentation traite de la présence de femmes manadières et gardianes dans les manades en Camargue. Il s'agit de comprendre les stratégies qu'elles mettent en place afin de s'intégrer et de se maintenir dans un monde masculin, inhabituel pour des femmes. Etre gardiane ou manadière, c'est « faire comme un homme » et « garder sa féminité ». Les femmes vont devoir prendre « les codes des hommes », s'imposer, montrer qu'elles ont du caractère et faire leurs preuves. Autrement dit, elles vont se masculiniser en « neutralisant » leur féminité et en infériorisant une catégorie de « femmes » dites « fragiles », « sensibles », « dangereuses » et « superficielles ». Pour autant, les femmes des manades ne veulent pas perdre leur « féminité ». Ces attitudes qui consistent à ne pas faire « tout » comme les hommes leur permettent d'éviter d'être stigmatisées. Elles adoptent les conduites de la « bonne féminité » (discrétion, douceur, capacité d'écoute), de la « bonne » épouse (en charge du travail domestique) et de la « bonne » mère (qualités maternantes envers les enfants et les animaux). Elles travaillent leurs apparences (costume de l'Arlésienne, « jupe-culotte de gardian », maquillage, corps « pas trop » musclé) et rejettent les stéréotypes négatifs de la masculinité (brutalité, grossièreté, rapport aux animaux moins respectueux).

Le « féminin » comme le « masculin » sont des catégories instables. Pour elles comme pour les hommes, le contenu de ce qui est considéré comme masculin ne fait pas (tout à fait) consensus : conduire un camion, porter un pantalon de gardian, faire chuter un jeune taureau à l'aide d'un trident, castrer un taureau. La tauromachie camarguaise donne à voir une pluralité de compositions de genre, montrant une multitude de possibilités, en rejetant ou en adoptant, selon les expériences socialisatrices de chacune, une (ou des) conduite-s dite-s masculine-s.

 

This presentation deals with the presence of female manadières and gardianes, herders of semi-feral livestock in the Camargue. The idea is to understand the strategies they use to integrate into an essentially male world, with few women present, and create a place for themselves within it. Becoming a gardiane or a manadière means “doing a man's job” while still “keeping your femininity.” The women have to adopt “masculine codes of behavior,” stick up for themselves, prove they have character and show what they're capable of. In other words, they become more masculine by “neutralizing” their femininity and viewing a category of “women” described as “fragile,” “sensitive,” “dangerous” and “superficial” as inferior. Yet manade women don't want to lose their own femininity.  To avoid being stigmatized, their attitude consists in being careful to not be like the men about “everything.” So they adopt behavior that corresponds to “good femininity” (discretion, gentleness, being good listeners), “good” wives (in charge of housework) and “good” mothers (maternal attitudes towards children and animals). They are careful about their appearance (wearing traditional Arlesienne women's dress, the “gardian culotte” (divided skirt),” and make-up; not having an “overly muscular” body) and rejecting negative masculine stereotypes (brutality, rude language, a less respectful attitude towards animals).

Feminine and masculine are unstable categories. Neither for the women, nor for the men, is there is any (absolute) consensus as to what defines being masculine: driving a truck, wearing gardian pants, bringing down young bulls with a trident, castrating bulls. Camargue bull-fighting offers a broad spectrum of gender compositions, displaying a multitude of possibilities, and, depending on each woman's socializing experiences, rejecting or adopting one (or more) types of “masculine” behavior.

 


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