Site web du colloque du CRESPPA "Pensée critique du genre : travail, corps, nation" qui se déroulera du 17 au 19 mai 2017 au CNRS, 59-61 rue Pouchet à Paris.
17-19 mai 2017 Paris (France)
Les dynamiques du genre dans l'exil: Le cas de réfugiées Syriennes dans l'espace urbain en Jordanie
Glenda Andrade  1  
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Le nombre de personnes déplacées dans le monde a atteint des niveaux records. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), il y a 65,3 millions de personnes déplacées, dont 21,3 millions sont « considérées » comme des réfugiés.[1] Les femmes et les filles représentent environ 50% des réfugiés, déplacés internes ou de la population apatride. Malgré cette présence avérée, les femmes n'apparaissent pas si souvent au centre des discussions sur les migrations et lorsqu'elles y sont présentes, c'est fréquemment en tant qu'actrices de second rôle. « En conformité avec la conception des femmes comme sujets passifs, les migrantes étaient perçues comme des femmes qui suivent leur époux ou leur père »[2].

Rien qu'en Jordanie, on compte 657,000 réfugiés syriens, dont 50,6% sont de sexe féminin, qui pour la plupart vivent dans des zones urbaines.[3] Au sein de l'abondante littérature consacrée au Proche-Orient et de l'étude des luttes féministes qui s'y déploient, l'analyse des dynamiques du genre dans l'exil reste à l'ombre. Il faut souligner, comme le rappelle Jane Freedman, « le genre est un concept qui a été employé par la recherche féministe depuis les années 1970 dans le but de faire une distinction entre les caractéristiques fixes du sexe et les notions socialement construites de la masculinité et de la féminité (...) Alors que le sexe fait référence aux différences biologiques entre les hommes et les femmes, le genre fait référence aux constructions et représentations sociales et culturelles qui sont utilisés pour distinguer et classer ce qui est 'masculin' et 'féminin' »[4]. Ainsi la « masculinité » et la « féminité », comme les résultant de constructions sociales, varient selon le contexte dans lequel elles se sont insérées.

A partir de ces éléments, il est proposé dans cette contribution d'analyser les différentes interactions dans lesquels sont impliqués les femmes et les hommes dans un contexte d'exil urbain en Jordanie. En focalisant l'analyse sur la situation des femmes réfugiées syriennes dans le Royaume, mais sans oublier le rôle des hommes réfugiés et de ceux du pays d'accueil dans le réaménagement des dynamiques du genre, cette communication vise à expliquer comment les femmes réfugiées parviennent au quotidien à créer leur propre visibilité dans ce nouvel espace urbain, rempli de contraintes. En partant des questionnements du genre, entendu comme construction sociale des différences physiques, nous montrerons comment le statut de « victime » ultime accordée aux femmes est limité et rend problématique une réelle compréhension des rapports de genre dans l'exil. La participation des femmes dans la nouvelle vie des zones urbaines peut déconstruire les normes et les représentations dominantes de la féminité. L'idée est de  « désexotiser » les rapports de genre à l'intérieur d'une population en exil; en allant au-delà de la vulnérabilité des femmes, mais sans négliger les violences genrées qu'elles subissent dans un milieu contraignant. Pour se faire, l'étude s'appuiera sur une série d'entretiens directifs avec des femmes, mais aussi avec des hommes, étant donné que la construction de la féminité passe aussi par ces derniers. Cette méthodologie se complètera par ailleurs par l'observation anthropologique/ethnologique de ces espaces urbains en Jordanie.


[1] United Nations High Commissioner for Refugees, Global Trends - Forced Displacement in 2015, UNHCR, 2015, URL : (Page consultée le 29 mars 2017).

[2] Janine Dahinden et al;, « Migrations: Genre et Frontières - Frontières de Genre », Nouvelles Questions Féministes 2007/1 (Vol.26), p. 06. 

[3] UNHCR, Syria Regional Refugee Response - Jordanie, UNHCR, 2016.

[4] Jane Freedman,  Gendering the International Asylum and Refugee debate, London, Palsgrave McMillan, 2007, p. 16.


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