Site web du colloque du CRESPPA "Pensée critique du genre : travail, corps, nation" qui se déroulera du 17 au 19 mai 2017 au CNRS, 59-61 rue Pouchet à Paris.
17-19 mai 2017 Paris (France)
Des « sabirs » politiques. Les Françaises musulmanes et leurs mobilisations politiques en France après 2004
Karima Ramdani  1  
1 : Cresppa  (GTM)
Université Paris VIII Vincennes-Saint Denis

Historiquement, le terme sabir désigne une langue née dans les ports de la Méditerranée, du contact entre des locuteurs parlant des langues maternelles différentes. De cette nécessité de communiquer tous ensemble a émergé une langue mixte et véhiculaire. Ce langage syncrétique résulte d'un mélange de français, d'espagnol, de grec, d'italien et d'arabe. Chez Abdelmalek Sayad, le sabir, perçu par les non-initiés comme du « charabia », correspond à un langage alternatif développé par les populations immigrées en France. En effet, « le sabir, ce n'est pas parler mal français ; c'est parler autre chose que le français. C'est le parler d'une langue avec la grammaire d'une autre langue ou mettre la grammaire d'une langue au service du lexique d'une autre langue » (1). Le sabir serait ainsi le produit d'une réappropriation créative de la langue française par les immigrés notamment algériens. C'est à travers cette idée de réappropriation du langage que je propose, dans cette communication, de discuter l'émergence d'un nouveau sujet politique en réponse à la loi de 2004 sur l'interdiction du port des signes religieux dans les écoles publiques. Précisément j'analyserai les actions politiques et sociales menées par des femmes musulmanes, qui à travers le prisme religieux, construisent de nouvelles subjectivités politiques.

L'apparition d'une parole contestataire de musulmanes en France comme dans le collectif Les femmes dans la mosquée (2), militant aussi bien dans l'espace religieux que dans l'espace républicain, interroge sur l'émergence de subjectivités politiques atypiques. Ces dernières, que l'on pourrait désigner comme étant des sabirs politiques, proposent de mêler des valeurs républicaines, laïques avec celles religieuses pour les mettre au service d'une identification musulmane affirmée et politisée, qui fait naître une parole politique syncrétique défiant toute pensée dichotomique (laïcité vs religion). Cette appartenance religieuse discriminée devient le moyen par lesquels les musulman.e.s prennent la parole et deviennent des acteurs politiques. Que nous révèle ce collectif féministe et antiraciste sur la définition du sujet politique et de son historicité ? Par ailleurs de quelles manières ces nouvelles formes d'engagements nous permettent de déplacer les frontières de la définition du sujet politique dans une perspective intersectionnelle ?

 

(1) Sayad, Abdelmalek, « Les maux-à-mots de l'immigration. Entretien avec Jean Leca », Politix, vol 3, n°12, 1990, p.20.

(2) Collectif crée par la sociologue Hanane Karimi en 2013. Il s'est notamment opposé à la Grande Mosquée de Paris qui faisait prier les femmes dans le sous-sol, mais il a aussi pris position dans le débat public sur la question du voile à l'université. De manière générale le collectif dénonce aussi des actes islamophobes.

 


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